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Le fini et l’infini mathématiques : comparer et dénombrer

Un ensemble fini, c’est un ensemble qu’on peut dénombrer à l’aide des entiers naturels \(1,\ldots,n\) pour un certain entier naturel \(n\). Mais qu’est-ce que dénombrer ? Et qu’est-ce qu’un ensemble infini ?

1. Comparer des ensembles : la notion de bijection

Les notions d’ensemble fini et d’ensemble infini, et la conceptualisation mathématique du « comptage » (des éléments) d’un ensemble, sont intimement liées et permettent de distinguer et définir rigoureusement le fini et l’infini mathématiques, sans autre ressource conceptuelle que la théorie naïve des ensembles (voir Qu’est-ce qu’un ensemble ?).

Pour compter les éléments d’un ensemble (on dit dénombrer), on utilise la notion de bijection. Une bijection entre deux ensembles \(E\) et \(F\) est une fonction (on dit aussi une application) de \(E\) dans \(F\), c’est-à-dire un « procédé » ou une « opération » \(f\) qui transforme les éléments de \(E\) en des éléments de \(F\) (on dit mathématiquement que \(f\) associe à chaque élément \(x\) de \(E\) un élément \(y\), noté \(f(x)\), de \(F\)), de manière très particulière : \(f\) est une bijection précisément lorsque chaque élément de \(F\) est associé par \(f\) à au plus un élément de \(E\) (on parle de fonction injective) et que tout élément de \(F\) est associé à au moins un élément de \(E\) (on parle de fonction surjective).

Autrement dit, une fonction \(f:E\to F\) est une bijection exactement lorsque qu’elle met en correspondance, un à un, les éléments de \(E\) et de \(F\) ! On doit ainsi souvent traduire de manière un peu détournée des idées très simples pour leur donner une certaine rigueur mathématique. Cette façon d’apparier un à un les éléments de deux ensembles est en fait une manière naturelle d’en comparer les quantités, avant même de les compter : les enfants procèdent souvent ainsi !

Cette figure illustre l’existence d’une bijection entre les ensembles \(E\) et \(F\) : on a mis en correspondance « un-à-un » les éléments de l’un et de l’autre. Il existe plusieurs manières de le faire, on peut d’ailleurs les dénombrer précisément.

2. Les ensembles finis sont ceux qu’on peut dénombrer

2.1. Définition des ensembles finis

En utilisant cette notion élémentaire mais fondamentale de bijection, on peut définir rigoureusement ce qu’est un ensemble fini. Un ensemble fini, c’est un ensemble dont on peut théoriquement compter les éléments, ce qu’on appelle « dénombrer », autrement dit un ensemble qui est en bijection avec un ensemble de la forme \(\{1,2,3,\ldots,n\}\) (soit tous les nombres entiers de \(1\) à \(n\)) pour un certain entier naturel \(n\) . Cette définition simple conceptualise précisément la façon dont nous comptons : alors qu’on peut comparer deux ensembles en les mettant en bijection, on compte un ensemble en associant à chacun de ses éléments un et un seul nombre entier entre \(1\) et le « nombre d’éléments » de cet ensemble (qui vaut \(0\) si l’ensemble est vide…) ! Mathématiquement, comparer deux ensembles ou dénombrer un ensemble revient donc à la même chose, décrire une bijection; seulement, lorsqu’on dénombre, on décrit une bijection avec un ensemble particulier, un ensemble de nombres.

2.2. Compter des différentes manières

L’ensemble des nombres de \(1\) à \(n\) est noté \([[1,n]]\). A un ensemble fini \(E\), on peut donc attacher un nombre d’éléments, qui est l’entier naturel \(n\) qu’on obtient en mettant, par définition, \(E\) en bijection avec l’ensemble \([[1,n]]\). L’expérience nous montre que quelle que soit la manière dont on compte, on aboutit au même résultat; mais est-ce théoriquement vrai, autrement dit est-il impossible de compter un ensemble fini de deux façons différentes et d’obtenir deux résultats différents ? Même si il paraît étrange de se poser la question, cela ne fait pas partie de la définition, et la rigueur mathématique exige que cela soit démontré ! C’est en effet un théorème, qui demande un peu de réflexion. Et la question est loin d’être anodine, puisque lorsqu’on énumère un ensemble infini, du moins en utilisant ce qu’on appelle un nombre « ordinal », on peut aboutir à des résultats différents…

2.3. Le cardinal d’un ensemble fini

Pour revenir aux ensembles finis, puisque n’importe quelle manière de dénombrer un ensemble \(E\) – c’est-à-dire, conceptuellement, n’importe quelle bijection entre \(E\) et un ensemble de la forme \([[1,n]]\) – donne le même résultat, on peut définir le nombre d’éléments de \(E\) comme cet unique nombre entier naturel \(n\), qu’on appelle aussi le cardinal de \(E\) (et dans le cas où le cardinal d’un ensemble infini peut être défini, il ne dépend pas non plus de la manière de compter). Certaines autres propriétés « évidentes » des ensembles finis demandent à être établies rigoureusement, c’est-à-dire démontrées : par exemple, qu’un sous-ensemble \(S\) d’un ensemble fini \(E\) est lui-même fini, et qu’il possède moins d’éléments que \(E\) ! De même, il faut démontrer que la réunion de deux ensembles finis est un ensemble fini…

On dénombre l’ensemble \(E\) en utilisant le même principe de la bijection : on associe un-à-un les éléments de \(E\) aux premiers entiers naturels, jusqu’à avoir associé tous ses éléments : l’ensemble \(E\) est en bijection avec l’ensemble \(\{1,2,3,4\}\), il possède donc \(4\) éléments.

3. Le premier des ensembles infinis

3.1. Définition des ensembles infinis

Ceci étant dit, puisque nous disposons d’une définition mathématique rigoureuse de ce qu’est un ensemble fini, en bonne logique nous pouvons définir un ensemble infini comme la notion « complémentaire » : un ensemble infini, c’est un ensemble qui n’est pas fini. Cette définition, la plus simple possible, est décevante pour qui veut comprendre un peu ce qu’est l’infini mathématique. Elle n’en est pas moins parfaitement rigoureuse, au vu des définitions introduites jusqu’ici, et elle se reformule directement de la manière suivante : un ensemble infini, c’est un ensemble qu’on ne peut pas dénombrer, c’est-à-dire qu’on ne peut pas mettre en bijection avec un ensemble de la forme \([[1,n]]\). Nous avons déjà fait un progrès dans la compréhension de l’infini : il « excède » tout ce qui est fini. A partir de là, nous allons donner deux caractérisations plus intéressantes de l’infini.

3.2. L’ensemble \(\mathbb N\) est infini

Caractériser une propriété, c’est établir qu’elle est équivalente à une autre propriété, qui peut souvent servir de définition alternative. La première de ces caractérisations est liée à l’ensemble \(\mathbb N=\{0,1,2,3,\ldots\}\) des nombres entiers naturels (voir Qu’est-ce qu’un nombre entier naturel ?). On peut en effet assez simplement démontrer que l’ensemble \(\mathbb N\) est infini, selon la définition donnée ! Si une telle démonstration excède le niveau de cet article, on peut toutefois le comprendre intuitivement : on voit mal comment on pourrait établir une correspondance un-à-un de tous les nombres entiers naturels avec des nombres \(1,\ldots,n\) en s’arrêtant à un certain \(n\) : après avoir établi cette correspondance, on pourrait toujours trouver un entier naturel plus grand que tous ceux qu’on a déjà comptés…

3.3. Une première caractérisation des ensembles infinis

En fait, l’ensemble \(\mathbb N\) est le prototype des ensembles infinis, au sens où admettre son « existence » (théorique) en théorie des ensembles revient à admettre l’existence d’ensembles infinis. De plus, en utilisant des méthodes assez simples également, on peut démontrer qu’un ensemble \(E\) est infini si et seulement si il contient (une copie de) l’ensemble \(\mathbb N\) : c’est notre première caractérisation de l’infini. Qu’un ensemble \(E\) contiennent une « copie » d’un ensemble \(F\), cela signifie simplement qu’il existe une bijection entre \(F\) et un sous-ensemble de \(E\). Ainsi, avec les ressources élémentaires de la théorie naïve des ensembles, on aboutit à une compréhension déjà solide de ce qu’est l’infini mathématique : il « commence », du point de vue du « nombre d’éléments », avec l’ensemble \(\mathbb N\).

3.4. Exemples d’ensembles infinis

Grâce à cette première caractérisation, on peut donner de nombreux exemples d’ensembles infinis, car il existe de nombreuses bijections naturelles entre l’ensemble \(\mathbb N\) et des parties d’autres ensembles naturels. Par exemple, les ensembles de nombres \(\mathbb Z\) (entiers relatifs), \(\mathbb Q\) (nombres rationnels), \(\mathbb R\) (nombres complexes et \(\mathbb C\) (nombres réels) sont tous infinis parce qu’ils « contiennent » l’ensemble \(\mathbb N\). De même un cercle de rayon non nul est infini, ainsi qu’un intervalle ouvert non vide de la droite réelle (par exemple un ensemble de la forme \(]a,b[=\{x\in\mathbb R : a<x<b\}\), pour \(a<b\) des nombres réels). Un autre type d’exemple concerne certains sous-ensembles de \(\mathbb N\) lui-même : ainsi, l’ensemble des nombres pairs est en bijection avec \(\mathbb N\), tout comme l’ensemble des nombres impairs, ce qui a donné lieu à l’illustration appelée « hôtel de Hilbert« , dont une version est la suivante. Si un hôtel possédant un nombre infini de chambres numérotées \(0,1,2,3,\ldots\) par les entiers naturels est complet, et qu’il arrive un bus de touristes avec autant de passagers, comment est-il possible de les loger tous à l’hôtel ? Il suffit de demander à l’occupant de la chambre numérotée \(n\) de s’installer dans la chambre numérotée \(2n\) : on libère ainsi toutes les chambres de numéro impair, et on peut loger les nouveaux arrivants !

On peut démontrer qu’il existe une bijection entre l’ensemble \(\mathbb N\) et l’ensemble des points du cercle \(C\) notés comme nombres complexes \(\{e^{2i\pi/(n+1)} : n\in\mathbb N\}\). Par conséquent, le cercle \(C\) est un ensemble infini.

4. Un secret de l’univers mathématique : une définition intrinsèque de l’infini

Mais si nous voulons véritablement percer le mystère de l’infini mathématique, nous devons en aboutir à une caractérisation intrinsèque, c’est-à-dire qui ne fait appel ni au fini, ni à un ensemble auxiliaire, fût-il \(\mathbb N\), « le premier des infinis ». C’est ce que nous allons présenter ici, et cela ne demande pas plus de technologie mathématique que la théorie des bijections esquissée auparavant.

4.1. Sous-ensembles propres d’un ensemble

Nous n’avons pas défini rigoureusement ce qu’un un sous-ensemble d’un ensemble \(E\) : si les éléments d’un ensemble sont les objets qui le « constituent », ses sous-ensembles en sont les parties, c’est-à-dire les ensembles \(S\) dont les éléments sont tous des éléments de \(E\). La clef de la caractérisation intrinsèque des ensembles infinis réside dans la notion extrêmement simple de sous-ensemble propre : un sous-ensemble \(S\) d’un ensemble \(E\) est dit propre lorsqu’il n’est pas \(E\) tout entier, c’est-à-dire lorsqu’il existe un élément de \(E\) qui n’est pas un élément de \(S\)…

4.2. Une deuxième caractérisation des ensembles infinis

A partir de là, et en utilisant par exemple la première caractérisation des ensembles infinis, on peut démontrer le théorème suivant, qui ne fait plus aucune référence explicite aux ensembles finis ou aux entiers naturels : un ensemble \(E\) est infini si et seulement si il existe une bijection entre \(E\) et un sous-ensemble propre de \(E\). En termes plus intuitifs, les ensembles infinis sont exactement ceux qui « conservent le même nombre d’éléments » lorsqu’on leur enlève un, ou même un nombre fini, d’éléments. En fait, si on choisit bien les éléments, on peut même les délester d’autant d’éléments qu’il y a dans l’ensemble \(\mathbb N\) sans en diminuer la taille ! Il est à peu près évident qu’un ensemble qu’on peut mettre en bijection avec un ensemble infini est lui-même infini; ainsi, toute droite du plan euclidien (voir Le Plan euclidien : géométrique antique et approche analytique), qui peut être mise en bijection avec l’ensemble \(\mathbb R\), est un ensemble infini.

4.3. Redéfinir le fini par l’infini

Cette caractérisation « intrinsèque » est-elle une supercherie, puisque nous proposons de l’établir à partir de la première caractérisation ? Non : il faut toujours partir de quelque part en mathématique, et nous sommes partis de la définition du fini, pour définir l’infini; la seconde caractérisation s’appuie donc sur cette définition. Mais comme toute caractérisation, elle peut servir de définition alternative : nous pourrions définir un ensemble infini à partir de cette propriété – qui ne mentionne ni les ensembles finis, ni les entiers naturels – et définir un ensemble fini comme étant, cette fois-ci, non infini. Il faudrait alors démontrer qu’un ensemble est fini si et seulement si on peut le dénombrer… Si cette façon de procéder est fort intéressante en ce qu’elle part d’une conceptualisation « pure » de l’infini mathématique, elle n’est toutefois pas très naturelle du point de vue de l’intuition initiale : dans l’ordre de la connaissance, nous partons du fini pour aller vers l’infini. Mais sur le plan de la théorie, peu importe : il est possible de définir rigoureusement et simplement l’infini, à partir des ressources pures de la théorie naïve des ensembles, et ce n’est pas une moindre réalisation de la science mathématique.

La fonction exponentielle, représentée en partie sur cette figure et dont la base est le fameux nombre \(e\), est une bijection entre l’ensemble \(\mathbb R\) des nombres réels et le sous-ensemble propre \(\mathbb R_+^*\) des nombres réels strictement positifs. On voit ainsi d’une autre manière que l’ensemble \(\mathbb R\) est infini.

5. Vers l’infini et au-delà

5.1. Une infinité de quantités finies et infinies différentes

Se peut-il que la théorie de l’infini mathématique soit aussi simple ? Hélas, non. Ce que nous avons fait ici, c’est esquisser comment on peut définir l’infini mathématique, au sens de ce qu’est un ensemble infini. Mais la théorie ne fait que commencer : de même que tous les ensembles finis n’ont pas le même nombre d’éléments (il existe en fait, nous l’avons vu, une quantité infinie de quantités finies différentes), les ensembles infinis n’ont pas tous le même nombre d’éléments, au sens d’un « nombre d’éléments » tiré lui-même de la notion de bijection, laquelle peut s’appliquer indifféremment aux ensembles finis et infinis.

5.2. Le cardinal des ensembles naturels

Par exemple, on peut démontrer que les ensembles \(\mathbb N\), \(\mathbb Z\) et \(\mathbb Q\) ont le « même nombre d’éléments », tandis que les ensembles \(\mathbb R\), \(\mathbb C\) et \(\mathbb H\) (ensemble des quaternions) par exemple, ont aussi le même nombre d’éléments, mais en ont plus que les trois premiers ! Cela demande un peu plus de ressources, et c’est une autre histoire. Il existe d’ailleurs, comme dans le cas des quantités finies, une infinité de quantités infinies différentes…

5.3. Compter et calculer avec des nombres infinis

Dans la « théorie axiomatique des ensembles », on apprend à calculer avec les quantités infinies, ordinales ou cardinales, ce qui commence comme une théorie simple mais possède des développements techniques et complexes. Plus près de nous, nous pouvons toutefois citer pour terminer suivant : si \(E\) est un ensemble quelconque, fini ou infini, alors l’ensemble \(\mathscr P(E)\) des parties de \(E\) possède strictement plus d’éléments que l’ensemble \(E\); en fait, si \(E\) possède \(n\) éléments, \(\mathscr P(E)\) en possède \(2^n\).

Dans l’ensemble \(E\) représenté, qui possède \(3\) éléments, on a représenté les différentes parties de \(E\) : \(E\) lui-même, en violet les parties à \(2\) éléments, en vert les parties à \(1\) élément, et en rouge l’ensemble vide, la seule partie à \(0\) élément; au total, on a bien \(1+3+3+1=8=2^3\) parties. Dans un ensemble infini \(E\) de taille \(k\), cardinal infini, on peut (au moins sous certaines hypothèses) donner un sens au nombre \(2^k\) et démontrer que l’ensemble \(P(E)\) des parties de \(E\) possède \(2^k\) éléments.

Retrouvez l’article en vidéo sur MATHESIS, la chaîne YouTube :


Pour aller plus loin

La théorie de l’infini mathématique est accessible de manière rigoureuse à partir de notions élémentaires de théorie des ensembles et de logique mathématique, et des concepts développés dans cet article. Découvrez la théorie complète des ensembles finis et infinis dans le cours numéro 2 du semestre I de MATHESIS :

Mathesis 1.2 : Ensembles, Applications et Numération (Du fini à l’infini mathématique)


5 Commentaires

  1. John Rottencabbage

    La notion d’infini mathématique est basée sur des axiomes. Elle se base sur une logique raisonnable contrairement aux notions religieuse et philosophique pour qui l’infini n’a ni début ni fin. En mathématique il y a toujours une origine et les infinis sont des itérations avec un début, une règle et un infini donc axiome et temps « mathématique ». L’Hôtel de Hilbert est une pirouette: il est semi borné. L’ajout de chambres est contraire à l’axiome même d' »origine ». JR

    • Jean Barbet

      Certaines notions d’infini n’ont ni début ni fin. C’est le cas des ordres linéaires sans extrémités, comme pour l’ensemble $\mathbb Z$ des entiers relatifs, et les infinis philosophiques peuvent reposer sur une logique saine (voir par exemple J. Cohn, « Histoire de l’infini »).
      Si par « l’axiome d’origine » vous faites référence à l’axiome de l’infini en théorie des ensembles, il n’est pas question de début ou de fin. Mais quoiqu’il en soit, l’ajout de chambres dans l’hôtel de Hilbert ne contredit pas l’infinité méréologique présentée ici, puisqu’il exprime précisément que l’ensemble $\mathbb N$ est en bijection avec une partie propre de lui-même, ici l’ensemble des nombres pairs et celui des nombres impairs.

  2. Hervé FOISSAC

    Bonjour, Tout d’abord, je précise que mon niveau en mathématique s’arrête au collè-ge, donc, je ne saurai discuter des relations mathématiques, mais seulement au niveau du raisonnement.

    Ici, je ne saisi pas le raisonnement tenu avec l’hotel de Hilbert, car si l’énoncé dit qu’il y a une infinité de chambres toutes déjà occupées au moment où arrive le bus, alors, il n’y a aucune chambre vide pouvant se libérer, car cela viole l’énoncé. Tel que posé, on ne peut pas séparer la chambre et son occupant, pour cela, il faut que l’énoncé le permette. Ici, il y a bijection entre les chambres et les occupants. Les deux sont intriqués par l’énoncé et forment donc un couple fini s’étendant dans l’infini. Qui a pour conséquence qu’on se retrouve avec le principe des tiroirs de Dirichlet.
    ,

    Pour pouvoir accueillir de nouveaux clients, il faut qui’il existe une infinité de chambres déjà occupées, mais auxquelles on peut ajouter une infnité de chambres non occupées. Donc, que les deux infinis ne soient pas liés. Ce qui respecte alors strictement ce que vous écrivez.

    Bref, je ne remet pas en cause le développement, mais l’énoncé qui, de ce point de vue, comporte un biais de logique causale qui nuit à la clarté du raisonnement. En tous les cas, le mien !

    Mais peut être avez vous une explication qui invalide mon raisonnement et dans ce cas là, merci de me le faire connaître.

    • Jean Barbet

      Bonjour,

      Je ne sais pas ce que vous appelez ici « relations mathématiques », mais il est impossible de séparer le raisonnement mathématique des concepts qu’il emploie.

      Je ne suis pas certain non plus de saisir votre raisonnement concernant l’impossibilité de faire sortir les occupants de chaque chambre; ce n’est toutefois pas un élément significatif, ce qui compte ici c’est d’établir une bijection (c’est-à-dire une correspondance un-à-un) entre certains ensembles.

      En effet, la logique mathématique n’est pas causale, mais elle repose sur la description formelle des objets mathématiques par des ensembles : l’articulation entre les deux est expliquée dans [Mathesis I.1 : Entrer dans l’univers mathématique]. > voir https://reglecompas.fr/mathesis-i-1

      Dans cet article tous les aspects ne sont bien sûr pas expliqués, mais essayons de préciser l’exemple.

      Les chambres de l’hôtel sont numérotées par les entiers naturels 0,1,2,… . Au début, l’hôtel est complet : on peut donc numéroter chaque client par la chambre qu’il occupe : le n°0 dans la chambre 0, le n°1 dans la chambre 1, et ainsi de suite : on a une bijection entre les chambres et les clients.

      Pour libérer autant de chambres qu’il y en a (!), on demande alors aux clients de sortir de leur chambre, et de changer de chambre. Le client 0 peut rester dans sa chambre, le client 1 doit passer de la chambre 1 à la chambre 2, le 3 à la chambre 6, etc… : le client numéro $n$ soit aller s’installer dans la chambre numéro $2n$. Il y aura toujours assez de place pour les premiers clients puisqu’il y a ainsi une bijection entre nombres entiers naturels et nombres pairs.

      Ainsi, les chambres de numéro impair ont toutes été libérées. Si on numérote cette fois les clients qui arrivent en bus, en partant de 0 et par tous les entiers naturels 0,1,2,3,…, on peut leur assigner à chacun une chambre libre : on attribue au (nouveau) client 0 la chambre 1, au client 1 la chambre 3, au client 2 la chambre 5, etc… : le nouveau client numéro $n$ doit s’installer dans la chambre numéro $2n+1$. Il y a de la place pour eux tous, puisqu’on a ainsi aussi une bijection entre les entiers naturels, et les entiers impairs !

      Peut-être pouvez-vous essayer de faire un dessin, où sur une ligne vous placez quelques points pour les chambres, numérotées, sur une seconde ligne quelques clients numérotés, sur une troisième clients quelques nouveaux clients numérotés, et tâcher d’attribuer aux uns et aux autres la chambre qui leur convient.

      Ou bien, si vous êtes gêné par la « libération » des chambres, modifiez l’exemple comme suit : deux bus arrivent au même hôtel, contenant chacun autant de passagers qu’il y a d’entiers naturels. Les chambres paires de l’hôtel sont d’un côté du couloir, les chambres impaires de l’autre : comment loger les deux bus dans l’hôtel, en plaçant les clients de chaque bus du même côté ?

      Quoiqu’il en soit, il n’y a pas de problème dans la logique sous-jacente à cet exemple classique, et qui exploite simplement la notion de bijection entre un ensemble infini, ici l’ensemble $\mathbb N$, et deux de ses sous-ensembles propres, ici l’ensemble $2\mathbb N$ des entiers naturels pairs, et l’ensemble $2\mathbb N +1$ des entiers naturels impairs.

      Ces propriétés étranges de l’infini mathématique sont abordées dans [Mathesis I.2 : Ensembles, Applications et Numération]. > voir https://reglecompas.fr/mathesis-i-2

      • Hervé FOISSAC

        Merci pour votre réponse et vos liens, mais je ne crois pas que mon intérêt pour le monde mathématique soit suffisant, ici, seule la cohérence entre l’énoncé et le développement m’intéressait car mon centre d’intérêt est la logique causale, mais pas exactement comme vous la connaissez.

        Ceci, car de mon point de vue toute science repose sur la causalité, sans cela, il n’y a pas de science possible. Mais pour en faire la démonstration un simple commentaire ne saurait suffire. D’ailleurs, si la causalité n’était pas au coeur des mathématiques, on ne pourrait pas faire de raisonnement mathématiques. Par contre, cela peut produire des aberrations de logique causale.

        Ici, je n’écris pas qu’un occupant ne peut pas sortir de sa chambre ou en changer, mais que selon l’énoncé, toutes les chambres sont occupées à l’infini et de ce fait, occupent déjà les sous ensembles pairs et impairs et ne peuvent pas libérer des chambres car cela impliquerait de « dupliquer » l’ensemble des nombres entiers dans le même espace temps. Ce qui est possible avec un autre hotel, mais pas le même. C’est un peu comme vouloir jouer deux parties d’échecs en même temps sur un même plateau.

        Je comprends parfaitement que vous pouvez vous affranchir d’une cohésion parfaite avec la causalité car il s’agit d’un hotel imaginaire fait pour appuyer ou présenter le développement mathématique et que c’est accessoire.

        Pour vous donner un aperçu de la logique causale telle que suivi par moi, elle repose (entre autres) sur trois sous principes disons exécutoires que sont la récurrence, l’itération et la fractalisation ou fractale. Toutes les trois intriquées.

        Appliqué à l’ensemble des nombres entiers naturels, cela donne une suite infini de 1 pour la récurrence, donc, où la numérotation des positions des additions de 1 (donnant 1;2;3…) sont le fait de l’itération et où la fractalisation consiste à changer d’échelle, donc, passer des opérations d’additions et soustractions à celles de multiplications et de divisions. L’échelle supérieure étant les nombres complexes. Comme je m’intéresse qu’aux éléments de bases, je ne suis pas allé plus loin, bien incapable de le faire !

        Ici, une des lois fondamemtales de la causalité dit qu’un principe est fondamentalement (dans ses conditions d’existences) invariant quelle que soit l’échelle ou le domaine auquel on l’applique, seule sa forme change et radicalement par changement d’échelle ou de domaine. Pour comprendre comment ce changement s’effectue il convient d’étudier la géométrie des fractales. Chose que je n’ai faites qu’à la marge, uniquement pour voir le principe.

        En tous les cas, merci pour l’échange et si vous voulez en savoir plus sur ce que j’entend par logique causale, je suis ouvert au débat sous un autre lien. D’autant que cela touche directement à la philosophie et même la religion, ceci, car la causalité pose le principe selon lequel l’être en tant que tel, c’est à dire, doué de volonté est défini par la finalité, le but qu’il se propose d’atteindre, mais pas des moyens qui sont le domaine exclusif, totalitaire de la causalité et d’elle seule.

        Bref, la fin ne justifie pas les moyens (sauf lorsqu’il y a le choix) mais les nécessites…

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