La représentation du plan euclidien par le produit cartésien \(\mathbb R^2\) permet de décomposer tout vecteur du plan en deux coordonnées, son abscisse et son ordonnée. Cette décomposition est liée à un « système de représentation » particulier et naturel, qu’on appelle une base. Il existe une infinité de telles bases, et parmi elles une infinité de bases dites orthonormées.
La base canonique et les bases du plan euclidien
La représentation naturelle d’un vecteur dans la base canonique
Tout vecteur \((x,y)\) du plan euclidien se représente sous la forme \((x,y)=x.(1,0)+y.(0,1)\), et ceci de manière unique : si \((x,y)=u.(1,0)+v.(0,1)\), alors \((x,y)=(u,0)+(0,v)=(u,v)\), donc \(x=u\) et \(y=v\). On dit que les vecteurs \(\vec i=(1,0)\) et \(\vec j=(0,1)\) forment la base canonique \((\vec i,\vec j)\) du plan euclidien \(\mathbb R^2\). Les nombres réels \(x\) et \(y\), abscisse et ordonnée du vecteur \(\vec u=(x,y)\), sont les coordonnées du vecteur \(\vec u\) dans cette base canonique. Toutefois, bien que cette manière de décomposer un vecteur dans la base canonique soit complètement naturelle, il est possible d’effectuer une telle décomposition dans multitude d’autres « systèmes de représentations », appelés bases, du plan euclidien.
Problème : décrire les autres bases du plan euclidien
Il est souvent utile, en effet, de pouvoir changer de système de représentation, par exemple lorsqu’on décrit un mouvement par une courbe. Dans ce cas, on choisit un système de représentation associé au point mobile décrit par la courbe, et possédant des propriétés géométriques intéressantes. Dans cet article nous voulons décrire proprement ce que sont les bases du plan, et introduire de manière rigoureuse la notion fondamentale de base orthonormée.

Le vecteur \(\vec u=(x,y)\) a pour coordonnées \(x\) et \(y\) dans la base canonique \((\vec i,\vec j)\), où \(\vec i=(1,0)\) et \(\vec j=(0,1)\). Les coordonnées de \(\vec u\) dans la base \((-\vec i,\vec j)\) sont \(-x\) et \(y\).
Décrire les bases du plan par un critère analytique simple
La direction d’un vecteur non nul
On peut comprendre la notion de base dans le plan de manière simple, à partir de celle de direction d’un vecteur non nul. Si \(\vec u=(a,b)\) est un vecteur non nul, il détermine en effet une droite vectorielle, qui est l’ensemble des vecteurs \(\vec v=(x,y)\) qui sont proportionnels à \(\vec u\), autrement dit qui sont de la forme \(\vec v=\lambda.\vec u\), soit \((x,y)=(\lambda.a,\lambda.b)\). Cette droite est la direction du vecteur \(\vec u\), et on peut facilement montrer qu’un vecteur quelconque \(\vec v=(x,y)\) est sur cette droite si et seulement si l’équation \[(*)\ -bx+ay=0\] est vérifiée.
Couples de vecteurs non nuls et colinéaires
Ceci étant établi, on dit que deux vecteurs non nuls \(\vec u=(a,b)\) et \(\vec v=(c,d)\) sont colinéaires (c’est-à-dire parallèles) si ils ont la même direction, c’est-à-dire déterminent la même droite \(D\). Cela revient exactement à dire que \(\vec v\) est sur la direction de \(\vec u\), autrement dit que l’équation \(-bc+ad=0\) est vérifiée, grâce à la condition \((*)\). Or, dans un tel cas toute combinaison linéaire de \(\vec u\) et \(\vec v\), c’est-à-dire tout vecteur de la forme \(\vec w=\alpha.\vec u+\beta.\vec v\), avec des coefficients \(\alpha,\beta\in\mathbb R\), est forcément aussi sur la droite \(D\). En effet, on peut écrire \(\vec w=(\alpha.a,\alpha.b)+(\beta.c,\beta.d)=(\alpha.a+\beta.c,\alpha.b+\beta.d)\), et vérifier par exemple que \(-b.(\alpha.a+\beta.c)+a.(\alpha.b+\beta.d)=0\). Autrement dit, si \(\vec u\) et \(\vec v\) sont colinéaires, il est impossible de « décomposer » d’autres vecteurs que ceux de \(D\) à partir de \(\vec u\) et \(\vec v\) !
Caractériser les bases du plan par la colinéarité
Ainsi, pour obtenir une « base » du plan, c’est-à-dire un système de représentation en coordonnées pour tous les vecteurs du plan, il faut choisir au moins deux vecteurs non nuls et non colinéaires \(\vec u=(a,b)\) et \(\vec v=(c,d)\). On peut alors démontrer que tout vecteur \(\vec w=(x,y)\) du plan \(\mathbb R^2\) se décompose de manière unique en fonction de \(\vec u\) et \(\vec v\), c’est-à-dire qu’il existe un unique couple de nombres réels \((\alpha,\beta)\) tel que \(\vec w=\alpha.\vec u+\beta.\vec v\). En effet, dire que \(\vec u\) et \(\vec v\) ne sont pas colinéaires, c’est dire maintenant que \(-bc+ad\neq 0\), c’est-à-dire \(ad-bc\neq 0\). On résout alors un système de deux équations à deux inconnues traduisant cette égalité, à savoir \[\left\lbrace\begin{array}{cc} x & = & \alpha.a + \beta.b\\y & = & \alpha.c + \beta.d.\end{array}\right.\] On trouve \(\alpha=\dfrac{1}{ad-bc}.(dx-cy)\) et \(\beta=\dfrac{1}{ad-bc}.(ay-bx)\), et on peut vérifier par le calcul qu’on obtient bien une décomposition de \(\vec w\), dont on peut montrer qu’elle est unique.

Les vecteurs \(\vec u\) et \(\vec v\) sont colinéaires : ils ont pour direction la même droite \((D)\). En revanche, les vecteurs \(\vec u\) et \(\vec{v’}\) ne sont pas colinéaires : étant non nuls, ils forment une base du plan.
Bases orthonormées
Vecteurs orthogonaux et unitaires
Parmi les bases du plan \((\vec u,\vec v)\), on distingue celles qui déterminent des isométries vectorielles, et qui ont deux propriétés particulières :
- les vecteurs \(\vec u\) et \(\vec v\) sont orthogonaux, c’est-à-dire que leur produit scalaire est nul
- les vecteurs \(\vec u\) et \(\vec v\) sont unitaires, c’est-à-dire de norme \(1\).
Ecrivons \(\vec u=(a,b)\) et \(\vec v=(c,d)\), et donnons une caractérisation analytique de ces deux propriétés. Les vecteurs \(\vec u\) et \(\vec v\) sont orthogonaux si et seulement si \(\vec u.\vec v=ac+bd=0\), et ils sont unitaires si et seulement si \(||\vec u||=||\vec v||=1\), c’est-à-dire \(\sqrt{a^2+b^2}=\sqrt{c^2+d^2}=1\), ou encore \(a^2+b^2=c^2+d^2=1\). Une base orthonormée est donc formée de vecteurs « perpendiculaires » situés sur le cercle trigonométrique.
Bases orthonormées directes et indirectes
Ainsi, l’angle formé par deux vecteurs \(\vec u\) et \(\vec v\) d’une base orthonormée est de mesure (principale) \(\pi/2\) ou \(-\pi/2\). Lorsque la mesure principale de l’angle \([(\vec u,\vec v)]\) est \(\pi/2\), on dit que la base est orthonormée directe, lorsque la mesure de l’angle est \(-\pi/2\), on dit que la base est orthonormée indirecte (et dans ce cas, la mesure principale de l’angle est \(2\pi-\pi/2=3\pi/2\)). Plus simplement, une base orthonormée \((\vec u,\vec v)\) est directe exactement lorsque \(\vec v\) est l’image de \(\vec u\) par la rotation d’angle \(\pi/2\), laquelle est l’application linéaire \((x,y)\in\mathbb R^2\mapsto (-y,x)\). Ainsi, une telle base est directe exactement lorsque \(\vec v=(-b,a)\) pour \(\vec u=(a,b)\). De même, la base orthonormée \((\vec u,\vec v)\) est indirecte exactement lorsque \(\vec v\) est l’image de \(\vec u\) par la rotation \(-r\), d’angle \(-\pi/2\), c’est-à-dire lorsque \(\vec v=(b,-a)\). Ces deux types de bases orthonormées correspondent à deux orientations possibles du plan euclidien.

Les vecteurs \(\vec u=(a,b)\) et \(\vec v=(-b,a)\) forment une base orthonormée directe, les vecteurs \(\vec u\) et \(-\vec v=(b,-a)\) une base orthonormée indirecte
Décomposition dans une base orthonormée
Un intérêt des bases orthonormées est de pouvoir obtenir la décomposition d’un vecteur quelconque directement à partir de son produit scalaire avec les vecteurs de la base. Soient en effet \(B=(\vec u=(a,b),\vec v=(c,d))\) une base orthonormée et \(\vec w=(x,y)\) un vecteur du plan. Dans cette situation, la décomposition de \(\vec w\) est simplement \(\vec w=(\vec w.\vec u)\vec u+(\vec w.\vec v)\vec v\) (attention, ici le point \(.\) dénote le produit scalaire). Pour le démontrer, écrivons \((\vec w.\vec u)\vec u+(\vec w.\vec v)\vec v=(ax+by,cx+dy)\vec u+(ax+by,cx+dy)\vec v\) \(=(a(ax+by)+c(cx+dy),b(ax+dy)+d(cx+dy))\). Par le paragraphe précédent, on a soit \(\vec v=(-b,a)\), soit \(\vec v=(b,-a)\) : plaçons-nous dans le premier cas, l’autre étant analogue. L’expression précédente se simplifie en \((a^2x+b^2x,b^2y+c^2y)\), soit \((x,y)=\vec w\). Géométriquement, les coefficients \(\vec w.\vec u\) et \(\vec w.\vec v\) sont les « coordonnées » respectives des projections orthogonales de \(\vec w\) sur les directions de \(\vec u\) et \(\vec v\).

Les coordonnées \(\alpha=\vec w.\vec u\) et \(\beta=\vec w.\vec v\) du vecteur \(\vec w\) dans la base orthonormée indirecte \((\vec u,\vec v)\) sont obtenues par projections orthogonales de \(\vec w\) sur les directions respectives \((D)\) et \((D’)\) de \(\vec u\) et \(\vec v\).
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