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La droite réelle $\mathbb R$ [C1.IV.1]

Dans le Livre 3 (Arithmétique élémentaire), nous avons donné une description axiomatique des ensembles de nombres $\mathbb Z$ et $\mathbb Q$ à partir des axiomes de Peano et de la structure opératoire naturellement définie sur $\mathbb N$ à partir de ceux-ci, en procédant par une axiomatisation élémentaire de l’addition pour $\mathbb Z$, de la multiplication pour $\mathbb Q$. Ce faisant, nous avons prolongé de $\mathbb N$ à $\mathbb Z$, puis à $\mathbb Q$, les opérations d’addition ($+$) et de multiplication ($\times$), ainsi que la relation d’ordre naturel, large ($\leq$) ou stricte ($<$).

Les axiomes choisis pour la description de $\mathbb Z$ et de $\mathbb Q$ l’ont été en fonction des propriétés intuitives que ces ensembles devaient posséder, et qui excèdent les propriétés existantes dans l’ensemble précédemment décrit (existence d’une soustraction dans $\mathbb Z$ mais pas dans $\mathbb N$, existence d’une division par les nombres non nuls dans $\mathbb Q$, mais pas dans $\mathbb Z$). Ces deux propriétés nouvelles étaient algébriques, c’est-à-dire ici opératoires.

La description des nombres réels présentée ici suit le même principe, celui « d’ajouter », par une méthode axiomatique, des nombres qui « n’existent pas » à l’ensemble $\mathbb Q$, mais dont l’existence est désirable pour répondre à certaines questions d’arithmétique et de géométrie. L’exemple le plus simple a été évoqué à la fin du Chapitre 3 (ibid.) : il n’existe pas de nombre rationnel $r$ tel que $r^2=2$, c’est-à-dire qu’il existe pas de racine carrée rationnelle pour $2$, et pour toute une famille de nombres rationnels. Or, pour des raisons géométriques qui apparaîtront dans la suite de ce cours (la mesure des distances euclidiennes), il est nécessaire de disposer en général de racines carrées des nombres positifs.

D’autres nombres réels sont essentiels à la géométrie, comme le nombre $\pi$, et à l’analyse (c’est-à-dire la théorie des fonctions), comme le nombre $e$, base de la fonction exponentielle. La description présentée ici permet également d’atteindre ces nombres, d’une autre nature que les racines carrées des éléments de $\mathbb Q$. En fait, la construction des nombres réels permet de « compléter » l’ensemble $\mathbb Q$, dans un sens que nous préciserons et qui rend possible l’analyse réelle, que nous aborderons au chapitre suivant.

Les propriétés auxquelles la description des nombres réels correspond, ne sont pas en général, comme dans la construction de $\mathbb Z$ et de $\mathbb Q$, algébriques, mais analytiques, c’est-à-dire « infinitaires » ou « limites » par nature, et l’axiomatisation proposée ici suivra donc un schéma différent des deux précédentes. Notons toutefois que c’est le même concept ensembliste de relation d’équivalence qui permettra de donner une construction de tous ces ensembles à partir de l’ensemble $\mathbb N$, dans le premier cours du semestre II où nous approfondirons notre théorie des ensembles.

Nous avons terminé le cours précédent par une présentation de l’ensemble $\mathbb Q$, et notamment de certaines propriétés géométriques : la densité de l’ordre (pour tous nombres rationnels $x<y$, il existe un nombre rationnel $r$ tel que $x<r<y$), et la commensurabilité (pour tous nombres rationnels $x,y$ non nuls, il existe un nombre rationnel $\alpha >0$ et des entiers $u$ et $v$ tels que $x=u.\alpha$ et $y=v.\alpha$). Ces propriétés sont profondément liées à la description de l’ensemble $\mathbb R$, et à tout ce qui va suivre.

1.Axiomatisation de l’ensemble des nombres réels

L’idée fondamentale qui préside à la construction des nombres réels, dite de Cauchy, est qu’il existe dans l’ensemble $\mathbb Q$ des « trous », c’est-à-dire qu’il manque des nombres pour mesurer certaines grandeurs, mais que ces nombres peuvent être approchés indéfiniment par des suites de nombres rationnels. La description présentée ici s’inspire de cette construction, qui sera présentée intégralement au semestre II, et qui consiste ainsi à « boucher les trous » en les représentant par des suites de rationnels particulières et appelées suites « de Cauchy ».

Si l’idée de « suite » est assez intuitive, rappelons-en la définition, évoquée déjà au Chapitre 2 : une suite d’éléments d’un ensemble $E$ est simplement une application $u:\mathbb N\to E$, dont on note les valeurs $u_n$ plutôt que $u(n)$. La suite elle-même est alors notée en général $(u_n)$ plutôt que $u$, et l’élément $u_n$ de $E$ est appelé terme d’indice $n$.

Rappelons également l’existence de la valeur absolue sur l’ensemble $\mathbb Q$ (voir [C1.III.3, La valeur absolue dans $\mathbb Q$]), fonction qui associe à un rationnel positif $r$ le nombre $|r|=r$, et à un rationnel négatif $r$ le nombre $|r|=-r$, ayant les propriétés suivantes, pour tous nombres rationnels $r,s$ :
i) $|r|=0$ si et seulement si $r=0$
ii) $|r.s|=|r|.|s|$
iii) $|r+s|\leq |r|+|s|$.

La valeur absolue, sur l’ensemble $\mathbb Q$ et comme nous le verrons sur l’ensemble $\mathbb R$, sert en analyse et en géométrie à mesurer des distances. Ainsi, la distance entre deux nombres rationnels $r$ et $s$ sera le nombre rationnel positif $|r-s|$. Remarquons que $|s-r|=|-(r-s)|=|-1|.|r-s|=|r-s|$, puisque $|-1|=1$. La distance entre $r$ et $s$ se calcule donc indifféremment comme $|r-s|$ ou $|s-r|$.

Rappelons enfin la propriété d’Archimède dans l’ensemble $\mathbb Q$ : pour tout nombre rationnel $r$, il existe un nombre entier naturel $N$ tel que $r<N$ (voir [C1.III.3, Proposition 3.6], ibid.).

1.1.Suites de nombres rationnels

Définition 1.1
i) Une suite $(r_n)$ de nombres rationnels est dite convergente si il existe un nombre rationnel $q\in \mathbb Q$, appelé sa limite, et tel que pour tout nombre rationnel $\varepsilon>0$, il existe un entier naturel $N$ tel que pour tout $n\in\mathbb N$, si $n>N$ alors $|r_n-q|<\varepsilon$. On dit alors que $(r_n)$ tend ou converge vers $q$.
ii) Une suite de Cauchy de nombres rationnels est une suite $(r_n)$ de nombres rationnels telle que pour tout $\varepsilon\in\mathbb Q$ avec $\varepsilon>0$, il existe $N\in\mathbb N$ tel que pour tous $p,q\in\mathbb N$ avec $p,q>N$, on a $|r_p-r_q|<\varepsilon$.

Remarque 1.2
o) Le symbole « $\varepsilon$ » est la lettre grecque « epsilon », souvent utilisée avec ce critère. Il peut être utile d’avoir accès à un alphabet grec.
i) Dans les deux définitions, on peut remplacer les conditions portant sur les indices de la suite et la distance par des inégalités larges (voir les exercices).
ii) Dans les deux définitions, on peut remplacer la condition sur le choix des nombres rationnels $\varepsilon >0$ par des nombres rationnels de la forme $1/k$, pour $k\in\mathbb N^*$ (voir les exercices).
iii) Rappelons que conformément aux règles de logique mathématique naturelle énoncées au Livre 1, les lettres intervenant dans la description de la suite, de ses indices, ou des autres nombres impliqués dans l’écriture symbolique de ces définitions, sont choisies arbitrairement et peuvent commodément être remplacées (de manière cohérente !) par d’autres lettres.

Expliquons ce que signifient ces définitions essentielles, qu’il faut bien comprendre pour aborder rigoureusement l’analyse réelle.

La première signifie en langage courant, « qu’on peut s’approcher autant qu’on veut du nombre $q$ par la suite $(r_n)$, à condition de se placer assez loin dans la suite ». En effet, le nombre rationnel générique $\varepsilon\in\mathbb Q_+^*$ introduit une condition de mesure de la distance d’un terme $u_n$ au nombre $q$ donné d’avance, soit $|r_n-q|<\varepsilon$, et la quantification universelle sur $\varepsilon$ indique que cette distance peut être choisie de manière arbitraire, en particulier « aussi petite qu’on veut ». L’existence de l’entier naturel $N$, qui dépend du rationnel $\varepsilon>0$, énonce une condition, pour $\varepsilon$ donné, selon laquelle le choix d’un entier naturel $n> N$ quelconque assure que la relation $|r_n-q|<\varepsilon$ est vérifie, autrement dit un « rang » au-delà duquel tous les termes de la suite $(u_n)$ sont à une distance de $q$ (strictement) inférieure à $\varepsilon$.

Cette traduction mathématique moderne du concept de la « limite d’une suite » est une création mathématique capitale : elle montre comment une notion ayant trait à un procédé infinitaire (la « limite » d’une suite, objet de caractère « infini » par définition) peut être représentée de manière parfaitement rigoureuse en théorie des ensembles dans le langage fini de la logique mathématique naturelle.

Exemple 1.3
L’exemple le plus simple de suite convergente de nombres rationnels est celui de la suite $(r_n)$ définie par $r_n=1/(n+1)$ pour tout $n\in\mathbb N$, qui converge vers $q=0$. Donnons-nous en effet un nombre rationnel $\varepsilon >0$ : on peut l’écrire sous la forme $\varepsilon=a/b$, avec $a,b>0$; par la propriété d’Archimède, il existe un entier naturel $N$ tel que $b/a< N$. En inversant chaque membre de l’inégalité, on obtient $1/N\leq a/b$. Il s’ensuit que pour tout entier $n\geq N$, on a $1/(n+1)<1/N\leq a/b$, autrement dit $|r_n-q|=|1/(n+1)-0|=|1/(n+1)|<a/b=\varepsilon$. C’est précisément la définition de la convergence de la suite $(r_n)$ vers la limite $q$.

Il est crucial d’apprendre ici à travailler avec la négation de ce type de propriété complexe, ce qui nécessite un peu de pratique. Par exemple, la négation de la première clause, à savoir la traduction symbolique de la propriété « $(r_n)$ ne converge pas vers $q$ », est $\neg(\forall \varepsilon\in\mathbb Q_+^*,\exists N\in\mathbb N,\forall n\in\mathbb N,\ (n>N\Rightarrow |r_n-q| <\varepsilon))$ ! En utilisant les règles de combinaison de la négation avec les connecteurs et quantificateurs logiques (étudiées en détail au Livre 1, voir [Quantifications et relations logiques]), et en écrivant pour simplifier $P$ : $n>N\Rightarrow |r_n-q|<\varepsilon$, cette propriété se reformule, étape-par-étape, de la manière suivante :
– $\neg(\forall \varepsilon\in\mathbb Q_+^*,\exists N\in\mathbb N,\forall n\in\mathbb N,\ P)$
– $\exists \varepsilon\in\mathbb Q_+^*,\neg (\exists N\in\mathbb N,\forall n\in\mathbb N,\ P)$ (par dualité entre $\forall$ et $\exists$)
– $\exists \varepsilon\in\mathbb Q_+^*,\forall N\in\mathbb N,\neg(\forall n\in\mathbb N,\ P)$ (idem)
– $\exists \varepsilon\in\mathbb Q_+^*,\forall N\in\mathbb N,\exists n\in\mathbb N,\neg P$ (idem)
– $\exists \varepsilon\in\mathbb Q_+^*,\forall N\in\mathbb N, \exists n\in\mathbb N,\ (n>N)\wedge (|r_n-q|\geq \varepsilon)$ (par les règles de De Morgan, la définition de l’implication et les propriétés de $<$ dans $\mathbb Q$).

On peut en retour tirer de cette traduction une interprétation intuitive de la propriété « la suite $(r_n)$ ne converge pas vers le nombre $q$ » : celle-ci est vérifiée lorsqu’on peut trouver une distance strictement positive ($\exists \varepsilon\in\mathbb Q_+^*$), pour laquelle aussi loin qu’on se place dans la suite on peut trouver un terme à distance de $q$ d’au moins $\varepsilon$ (autrement dit il est impossible de s’approcher définitivement de $q$ par la suite $(r_n)$ à une distance de moins de $\varepsilon$). Le jeu entre l’écriture formelle et la compréhension intuitive est ici essentiel pour la juste compréhension du concept.

La seconde définition peut s’analyser en des termes analogues : au lieu de porter sur la possibilité de s’approcher indéfiniment d’un nombre rationnel donné $q$, elle énonce « qu’on peut toujours réduire l’écart de deux termes de la suite $(r_n)$ autant qu’on veut, à condition de se placer assez loin dans la suite ». En effet, le nombre rationnel générique $\varepsilon$ permet cette fois-ci d’énoncer une condition sur la distance entre deux termes $r_p$ et $r_q$ de la suite, soit $|r_p-r_q|<\varepsilon$, et l’existence de l’entier naturel $N$, dépendant du choix de $\varepsilon$, fournit un « rang » au-delà duquel cette condition est vérifiée, pour toute suite ayant cette propriété.

Exemple 1.4
La suite de nombres rationnels $(r_n)$ définie par $r_n=1+1+(1/2)+\ldots +(1/n!)=\sum_{i=0}^n \frac{1}{i!}$ pour tout $n$, est une suite de Cauchy de nombres rationnels, mais on peut démontrer qu’elle ne converge pas vers un nombre rationnel (voir le problème 1.30). Sa limite est le nombre irrationnel $e$, base de la fonction exponentielle réelle, qui est aussi la limite de la suite de Cauchy de nombres rationnels $(s_n)$ définie par $s_n=(1+(1/n))^n$ pour tout $n\in\mathbb N$.

Intuitivement, si $(r_n)$ est une suite de nombres rationnels qui converge vers une limite $q\in\mathbb Q$, en particulier ses termes devraient se « rapprocher indéfiniment » les uns des autres; autrement dit, une suite convergente devrait être une suite de Cauchy, ce que nous allons vérifier immédiatement, après avoir démontré qu’il ne peut exister qu’une seule limite pour une telle suite.

Lemme 1.5
Soit $(r_n)$ une suite de nombres rationnels qui converge vers un nombre rationnel $q$.
i) Si $(r_n)$ converge vers un nombre rationnel $q’$, alors $q=q’$.
ii) La suite $(r_n)$ est une suite de Cauchy.

Démonstration
i) Supposons par l’absurde que $q\neq q’$, par exemple $q<q’$ (l’autre cas est symétrique) : on a $q’-q>0$, donc en choisissant $\varepsilon=q’-q$, par définition il existe $N_1,N_2\in\mathbb N$ tels que pour tout $n\in\mathbb N$, si à la fois $n>N_1$ et $n>N_2$ on a $|r_n-q|<\varepsilon/2$ et $|r_n-q’|<\varepsilon/2$ (on applique le critère de convergence aux deux limites $q$ et $q’$ avec le nombre $\varepsilon/2>0$). En particulier, pour un tel entier $n$ on $q’-q=|q-q’|=|q-r_n+r_n-q’|\leq |q-r_n|+|r_n-q’|$ (par inégalité triangulaire) $<\varepsilon/2+\varepsilon/2=\varepsilon=q’-q$, ce qui est impossible. Par reductio ad absurdum, on en conclut que $q=q’$.
ii) Soit $\varepsilon\in\mathbb Q_+^*$ : on veut montrer qu’il existe $N\in\mathbb N$, tel que pour tous $m,p\in\mathbb N$ tels que $m,p>N$, on ait $|r_m-r_p|<\varepsilon$. Le nombre $\varepsilon/2$ est rationnel et strictement positif : puisque $(r_n)$ converge vers $q$, par définition il existe $N\in\mathbb N$ tel que pour tout $n\in\mathbb N$ tel que $n>N$, on ait $|r_n-q|<\varepsilon/2$. Soient alors $m,p\in\mathbb N$ tels que $m,p>N$ : on a $|r_m-r_p|=|r_m-q+q-r_p|\leq |r_m-q|+|q-r_p|$ (par inégalité triangulaire) $=|r_m-q|+|r_p-q|$ (par définition de $|.|$) $<\varepsilon/2+\varepsilon/2=\varepsilon$. Par définition, la suite $(r_n)$ est bien une suite de Cauchy. $\square$

Remarque 1.6
La recherche pratique d’une démonstration de la clause (ii) amènerait plutôt à exploiter l’hypothèse à partir du nombre $\varepsilon$, plutôt que du nombre $\varepsilon/2$ : on aboutirait alors à une inégalité de la forme $|r_m-r_p|<2\varepsilon$. Sous cette forme, le résultat ne correspondrait pas à la propriété voulue, c’est pour cela qu’on applique la définition d’une suite convergente à $\varepsilon/2$; la même approche est utilisée dans la clause (i). Mais ceci suppose d’avoir travaillé en amont la démonstration pour la présenter de cette manière; on procède souvent ainsi en analyse lorsqu’on combine des critères infinitésimaux et des inégalités triangulaires. Il faut garder à l’esprit que dans la pratique, on doit travailler par tâtonnement.

Les premiers termes de la suite $(1/n+1)$ : la suite converge vers $0$, et comme telle est une suite de Cauchy, dont on voit les termes se rapprocher indéfiniment les uns des autres

1.2.Axiomatisation additive de $\mathbb R$

Comme nous l’avons vu dans l’exemple 1.4, il existe certaines suites de Cauchy de nombres rationnels qui ne sont pas convergentes dans $\mathbb Q$ (elles n’ont pas de limite dans $\mathbb Q$), et c’est l’existence de celles-ci qui nous intéresse pour « créer » de nouveaux nombres, réels, comme limites « virtuelles » de ces suites. Pour cette raison, on cherche à « étendre » l’ensemble $\mathbb Q$ pour que toutes les suites de Cauchy de nombres rationnels y trouvent une limite. Mais étant donné un ensemble $E$ ayant cette propriété, le même problème pourrait se poser à nouveau : il pourrait exister des suites de Cauchy (dans un sens à préciser) de l’ensemble $E$, qui ne convergeraient pas dans $E$ (dans un sens à préciser également). Nous devons donc tenir compte de cette contrainte pour définir cet ensemble de manière axiomatique.

Par ailleurs, nous cherchons à décrire le meilleur ensemble ayant cette propriété, autrement dit à n’ajouter à l’ensemble $\mathbb Q$ que les nombres « nécessaires » pour assurer l’existence d’une limite à toutes les suites de Cauchy. Pour cela, nous utiliserons afin de définir l’ensemble $\mathbb R$ la propriété de densité de $\mathbb Q$ dans $\mathbb R$, déjà évoquée dans [C1.II.4, Sous-ensembles infinis de la droite réelle] .

Nous considérons donc d’abord qu’il existe un ensemble, noté $\mathbb R$, contenant l’ensemble $\mathbb Q$, et sur lequel nous disposons à la fois :
i) D’une application $+:\mathbb R\times\mathbb R\to\mathbb R$ appelée addition, prolongeant l’addition des nombres rationnels
ii) D’une relation binaire notée $<$, et prolongeant l’ordre strict des nombres rationnels (c’est-à-dire que la restriction $<|_\mathbb Q$ de $<$ à $\mathbb Q$ est l’ordre strict habituel $<$ sur $\mathbb Q$, noté abusivement par le même symbole).

Nous supposons que l’addition et l’ordre sur $\mathbb R$ possèdent les propriétés élémentaires suivantes :

Axiome 1
Pour tous $x,y,z\in\mathbb R$ :
o) On a $x+0=x$
i) On a $x+y=y+x$
ii) Il existe un (unique) nombre réel $z$ tel que $x+z=z+x=0$, noté $-x$
iii) On n’a jamais $x<x$
iv) Si $x<y$ et $y<z$, alors $x<z$
v) On a toujours soit $x<y$, soit $x=y$, soit $x>y$
vi) Si $x<y$, alors $x+z<y+z$.

Si $x$ est un nombre réel, on appelle opposé de $x$ l’unique nombre réel $-x$ tel que $x+(-x)=(-x)+x=0$. La soustraction est alors l’application $-:\mathbb R\times\mathbb R\to \mathbb R$ qui associe au couple $(x,y)\in\mathbb R^2$ la différence $x-y$, c’est-à-dire le nombre réel $x+(-y)$.

Il est déjà possible de prolonger directement la valeur absolue de $\mathbb Q$ à $\mathbb R$ : nous poserons $|x|=x$ si $x\geq 0$, et $|x|=-x$ si $x\ leq 0$, pour tout nombre réel $x$. Nous aurons besoin des propriétés additives de la valeur absolue, qui se démontrent à l’aide du lemme suivant :

Lemme 1.7
Si $x$ est un nombre réel, alors on a $x> 0$ si et seulement si $-x< 0$.

Démonstration
Supposons que $x> 0$ : si $-x\geq 0$, on a $0=x+(-x)>0+(-x)=-x\geq 0$, soit $0>0$, ce qui est impossible. Par reductio ad absurdum, on en déduit que $-x< 0$. Supposons maintenant que $-x< 0$ : par un raisonnement analogue au sens direct, si $x\leq 0$ on a $0=x+(-x)<x+0=x\leq 0$, soit $0<0$, ce qui à nouveau est impossible, donc $x> 0$. $\square$

Proposition 1.8
Soient $x$ et $y$ deux nombres réels.
i) On a $|x|=0$ si et seulement si $x=0$
ii) On a $|x+y|\leq |x|+|y|$ (inégalité triangulaire).

Démonstration
i) Par définition, on a $|0|=0$, donc supposons inversement que $|x|=0$ : si $x\geq 0$, on a $x=|x|=0$, tandis que si $x\leq 0$, on a $x=-|x|=-0=0$ donc dans les deux cas, on a $x=0$.
ii) Distinguons les cas selon les signes de $x$ et $y$. Si $x,y\geq 0$, on a $x+y\geq 0$, donc $|x+y|=x+y=|x|+|y|$, d’où l’inégalité; de même, si $x,y\leq 0$, on a $x+y\leq 0$, donc $|x+y|=-(x+y)=-x-y=|x|+|y|$, d’où l’inégalité. Supposons que $x\geq 0$ et que $y\leq 0$ et distinguons deux cas à l’intérieur de ce cas : si $x+y\geq 0$, on a $|x+y|=x+y\leq x+(-y)$ (puisque $y\leq 0$ et donc $0\leq -y$ par le lemme 1.7) $=|x|+|y|$; tandis que si $x+y\leq 0$, on a $|x+y|=-(x+y)=-x-y\leq x+(-y)$ (puisque $x\geq 0$, donc $-x\leq 0$) $=|x|+|y|$, et l’inégalité est démontrée dans les deux sous-cas. Le cas où $x\leq 0$ et $y\geq 0$ se traite de la même manière que le troisième cas. $\square$

A partir de là, et avant de définir la multiplication sur l’ensemble $\mathbb R$, nous pouvons étendre la définition 1.1, qui nous permettra de formuler les deux autres axiomes pour $\mathbb R$ :

Définition 1.9
i) Une suite $(x_n)$ de nombres réels (c’est-à-dire d’éléments de $\mathbb R$) est dite convergente si il existe un nombre réel $x\in \mathbb R$ appelé sa limite, et tel que pour tout nombre rationnel $\varepsilon$ strictement positif , il existe un entier naturel $N$ tel que pour tout $n\in\mathbb N$, si $n>N$ alors $|x_n-x|<\varepsilon$. On dit alors que $(x_n)$ tend ou converge vers $x$.
ii) Une suite de Cauchy de nombres réels est une suite $(x_n)$ de nombres réels telle que pour tout $\varepsilon\in\mathbb Q_+^*$, il existe $N\in\mathbb N$ tel que pour tous $p,q\in\mathbb N$ avec $p,q>N$, on a $|x_p-x_q|<\varepsilon$.

Remarque 1.10
Des remarques exactement analogues à celles suivant la définition 1.1 sont ici valables. Nous verrons avec la définition de la multiplication des nombres réels qu’on peut aussi choisir les nombres $\varepsilon$ dans ces définitions comme des nombres réels.

Le second axiome énonce alors que tout nombre réel est limite d’une suite de nombres rationnels :

Axiome 2
Pour tout nombre réel $x$, il existe une suite de nombres rationnels $(r_n)$ qui converge vers $x$.

Les mêmes propriétés, démontrées au lemme 1.5 à propos des suites convergentes et des suites de Cauchy, sont encore valables avec ces définitions avec des démonstrations analogues :

Lemme 1.11
Soit $(x_n)$ une suite de nombres réels qui converge vers un nombre réel $x$.
i) Si $(x_n)$ converge vers un nombre réel $x’$, alors $x=x’$.
ii) La suite $(x_n)$ est une suite de Cauchy.

L’axiome fondamental qui permet alors de décrire proprement l’ensemble $\mathbb R$, est en quelque sorte la « réciproque » de l’axiome 2 :

Axiome 3 [Complétude]
Toute suite de Cauchy $(x_n)$ de nombres réels est convergente. Autrement dit, si $(x_n)$ est une suite de Cauchy de nombres réels, alors il existe un (unique) nombre réel $x$ tel que $(x_n)$ converge vers $x$.

Grâce à ce dernier axiome, nous posons qu’une suite de Cauchy de nombres rationnels converge toujours vers une (unique) limite dans $\mathbb R$, même si cette limite n’est pas toujours un nombre rationnel. Par abus de langage, nous avons supposé qu’il n’existait qu’un ensemble $\mathbb R$ ayant les propriétés axiomatiques évoquées. On pourrait démontrer que c’est vrai, dans le sens où il n’existe « essentiellement » qu’un seul tel ensemble (avec cette « structure »). Nous attendrons pour cela le semestre II, où nous disposerons des compléments conceptuels utiles, et où d’ailleurs nous utiliserons les mêmes idées pour construire (une version de) l’ensemble $\mathbb R$.

1.3.Définition de la multiplication

Si $(x_n)$ est une suite de nombres réels, sa limite $x$ est unique par le lemme 1.1; on note $\lim\limits_{n\to \infty} x_n$ cette limite. Nous allons utiliser les limites pour définir la multiplication des nombres réels.

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3.Topologie de la droite réelle

Comme nous l’avons vu dans la section 1, les propriétés axiomatiques de la droite réelle ont essentiellement trait à sa complétude (axiome 3). Cette propriété essentielle se décline sous la forme de propriétés dites « topologiques », qui concernent donc étymologiquement les « lieux » de la droite, autrement dit les comportements à proximité d’un point. Ici l’interprétation géométrique des nombres réels comme des grandeurs et finalement comme des points donnent à l’ensemble des nombres réels sa particularité à la fois géométrique et analytique, que nous introduisons ici en amont de la géométrie euclidienne, dans laquelle nous en ferons déjà usage.

3.1.Intervalles et bornes

Rappelons que la propriété essentielle concernant l’ordre naturel sur l’ensemble des entiers naturels, est que tout sous-ensemble $S$ non vide de $\mathbb N$ possède un plus petit élément (voir [C1.II.4, Exercice 1.4 (iii)]). Une propriété analogue, concernant les nombres réels, est celle dite de la « borne supérieure ». Elle est utilisée de manière ubiquitaire en analyse réelle, c’est-à-dire dans la théorie des fonctions réelles, et nous la démontrerons ici comme le théorème 3.30 (alors qu’elle peut aussi servir d’axiomatisation alternative de l’ensemble $\mathbb R$). Pour cela, il nous faut introduire et étudier en amont plusieurs concepts associés à l’ordre naturel sur les nombres réels.

Définition 3.1
Un segment de la droite réelle est un ensemble de la forme $[a,b]=\{x\in\mathbb R : a\leq x\leq b\}$, où $a$ et $b$ sont des nombres réels tels que $a\leq b$. Les nombres réels $a$ et $b$ sont appelées les extrémités, respectivement inférieure et supérieure, du segment $[a,b]$.

La notion de segment est à la fois analytique et géométrique : on dit que c’est une notion topologique. Un segment $[a,b]$ possède ainsi une « borne » supérieure et une « borne » inférieure qui sont ses extrémités. Toutefois, d’autres objets topologiques possèdent également de telles « bornes », sans que celles-ci en fassent toujours partie :

Définition 3.2
Un intervalle de la droite réelle (ou intervalle réel) est un sous-ensemble $I$ de $\mathbb R$ tel que pour tous $a,b\in I$ tels que $a<b$, le segment $[a,b]$ est inclus dans $I$.

La condition porte sur les éléments $a,b$ de $I$ tels que $a<b$, puisque si $a=b$, le segment $[a,b]$ est le singleton $\{a\}$, toujours inclus dans n’importe quel sous-ensemble $S$ qui contient $a$. Parmi les intervalles, on trouve les segments et tous les ensembles de la forme $]a,b[=\{x\in\mathbb R : a<x<b\}$, $[a,b[=\{x\in\mathbb R : a\leq x < b\}$ et $]a,b]=\{x\in\mathbb R : a<x\leq b\}$, pour $a,b\in\mathbb R$ tels que $a<b$. Rappelons qu’un intervalle de la forme $]a,b[$ avec $a<b$ est infini, donc aussi tout intervalle qui contient au moins $2$ éléments (voir [C1.II.4 :: Des sous-ensembles infinis de $\mathbb R$]). Ces différents types d’intervalles possèdent tous une « borne » inférieure et supérieure ($a$ et $b$ à chaque fois), mais ils ne possèdent pas toujours d’extrémités. C’est d’abord pour clarifier l’étude de ce type de situation que nous introduisons les concepts suivants.

Définition 3.3
Soit $S$ un sous-ensemble de $\mathbb R$.
i) Un majorant de $S$ est un nombre réel $M$ tel que $x\leq M$ pour tout $x\in S$; s’il existe un majorant de $S$, on dit que $S$ est majorée
ii) Un minorant de $S$ est un nombre réel $m$ tel que $m\leq x$ pour tout $x\in S$; s’il existe un minorant de $S$, on dit que $S$ est minorée
iii) Une borne de $S$ est un majorant ou un minorant de $S$. On dit que $S$ est bornée si $S$ possède un majorant et un minorant.

Exemple 3.4
i) L’ensemble $\mathbb R_-$ des nombres réels négatifs est majoré par $0$, mais aussi par tout nombre positif. En général, si $M$ est un majorant d’une partie $S$ de $\mathbb R$, alors tout nombre réel $x>M$ est aussi un majorant de $S$, et une partie majorée possède donc toujours une infinité de majorants.
ii) De même, une partie minorée possède une infinité de minorants, par exemple $\mathbb R_+$, dont tous les éléments de $\mathbb R_-$ sont des minorants.
iii) Un intervalle de la forme $[a,b]$, $]a,b[$, $[a,b[$ ou $]a,b]$ est majoré par tout nombre $M\geq b$, et minoré par tout nombre $m\leq a$.
iv) L’ensemble $\mathbb N$ n’est pas majoré dans $\mathbb R$, puisque par la propriété d’Archimède (proposition 1.13), pour tout nombre réel $x$ il existe un entier naturel $n>x$, ce qui contredit la définition 3.3 (i). En revanche, l’ensemble $\mathbb N$ est minoré, puisque tout entier naturel est positif.
v) L’ensemble $\mathbb Z$ n’est ni majoré dans $\mathbb R$ (par le point précédent), ni minoré, puisque pour tout $x\in\mathbb R$, il existe $n\in\mathbb N$ tel que $-x<n$, d’où $-n<x$.
vi) Si $S\subseteq \mathbb R$ est majoré (resp. minoré), et si $T\subseteq S$, alors $T$ est majoré (resp. minoré); cela découle immédiatement des définitions. Puisque $\mathbb Z\subseteq \mathbb Q$, l’ensemble $\mathbb Q$ n’est donc ni minoré, ni majoré.
vii) Si $S\subseteq \mathbb R$ est majoré par un nombre réel $M$, alors tout nombre réel de l’intervalle $[M,+\infty[$ est un majorant de $S$. De même, si $S$ est minoré par $m$, tout nombre réel de l’intervalle $]-\infty,m]$ est un minorant de $S$. En fait, l’ensemble des majorants et l’ensemble des minorants de $S$ sont des intervalles, infinis s’ils ne sont pas vides.
viii) Par définition, l’ensemble vide est majoré par tout nombre réel $a$. En effet, si ce n’est pas le cas alors par définition il existe $x\in\emptyset$ tel que $a<x$. Mais ceci contredit la vacuité de $\emptyset$, donc par reductio ad aburdum on en déduit que $a$ est un majorant de $\emptyset$. De même, tout nombre réel est un minorant de $\emptyset$. Ces constatations de nature purement logique sont inutiles à notre étude.

Définition 3.5
i) Un plus grand élément de $S$ (ou maximum) est un majorant $M$ de $S$ tel que $M\in S$
ii) Un plus petit élément de $S$ (ou minimum) est un minorant $m$ de $S$ tel que $m\in S$.

Remarque 3.6
Ces termes ont bien leur sens intuitif. La définition en donne ainsi une traduction rigoureuse dans le langage de la théorie des ensembles et de la logique mathématique naturelle.

Exemple 3.7
i) L’ensemble $\mathbb R_+$ des nombres réels positifs possède un plus petit élément, $0$, qui est un plus grand élément de $\mathbb R_-$.
ii) Tout segment $[a,b]$ possède $a$ comme plus petit élément et $b$ comme plus grand élément. Les intervalles de la forme $[a,b[$ ont $a$ comme plus petit élément, ceux de la forme $]a,b]$ ont $b$ comme plus grand élément, et les intervalles ouverts $]a,b[$ n’ont ni plus grand, ni plus petit élément.

Si différents majorants et différents minorants d’un même sous-ensemble de nombres réels existent (Exemple 3.4(vii)), il ne devrait exister au plus qu’un plus grand élément et qu’un plus petit élément. Toutefois, nous n’avons défini qu’un plus grand élément et un plus petit élément : la définition n’exige pas de supposer qu’ils sont uniques, mais on peut – et on doit – le démontrer :

Proposition 3.8
Soit $S$ une partie de $\mathbb R$.
i) Si $S$ possède un plus grand élément, alors il n’en possède qu’un.
ii) Si $S$ possède un plus petit élément, alors il n’en possède qu’un.

Démonstration
i) Supposons que $M$ et $M’$ soient deux plus grands éléments de $S$. En particulier, on a $M,M’\in S$, d’où $M\leq M’$ (puisque $M’$ est un plus grand élément) et $M’\leq M$ (puisque $M$ est un plus grand élément). On a donc $M=M’$.
ii) On raisonne de la même manière qu’en (i). $\square$

On note $\max S$ le plus grand élément de $S$ lorsqu’il existe, $\min S$ le plus petit élément de $S$ lorsqu’il existe. Comme l’intuition nous le suggère, l’opposition additive des réels échange les notions de maximum et de minimum :

Proposition 3.9
Soit $S$ une partie de $\mathbb R$, et $-S=\{-x : x\in S\}$.
i) Si $S$ possède un plus grand élément, alors $-S$ possède un plus petit élément et on a $\min -S=-\max S$
ii) Si $S$ possède un plus petit élément, alors $-S$ possède un plus grand élément et on a $\max -S=-\min S$.

Démonstration
i) Soit $M$ le plus grand élément de $S$. En particulier, pour tout $x\in S$ on a $x\leq M$, donc $-M\leq -x$, puisque la multiplication par $-1$ renverse le sens des inégalités, donc $-M$ est un minorant de $-S$. Comme $M\in S$, on a aussi $-M\in -S$, donc $-M$ est le plus petit élément de $-S$.
ii) Soit $m$ le plus petit élément de $S$. En particulier, pour tout $x\in S$ on a $m\leq x$, donc $-x\leq -m$, donc $-m$ est un majorant de $-S$. Comme $m\in S$, on a aussi $-m\in -S$, donc $-m$ est le plus grand élément de $-S$. $\square$

Le minimum et le maximum de deux nombres réels $x$ et $y$ ont été définis à la section Valeur absolue, minimum et maximum. Rappelons que si $n$ est un entier naturel, un $n$-uplet d’éléments d’un ensemble $E$ est une application $x:[[1,n]]\to E$, notée $(x_1,\ldots,x_n)$ (voir [C1.II.2, définition 3.2]). Nous pourrions alors définir par récurrence le maximum et le minimum d’un nombre fini $n$ (non nul) de nombres réels : pour trouver par exemple le maximum de $n$ nombres réels $x_1,\ldots,x_n$ avec $n\geq 2$, on trouve le maximum $M$ de $x_1,\ldots,x_{n-1}$, puis le maximum de $M$ et de $x_n$. Mais puisque nous disposons des notions de plus grand et plus petit élément d’un ensemble, pour lesquels nous avons adopté les mêmes notations $\max$ et $\min$, nous pouvons immédiatement les caractériser comme tels :

Corollaire 3.10
Soient $n\in\mathbb N^*$ et $x_1,\ldots,x_{n+1}$ des nombres réels (autrement dit un $n+1$-uplet $(x_1,\ldots,x_{n+1})$ de nombres réels).
i) Le plus grand élément de l’ensemble $\{x_1,\ldots,x_{n+1}\}$ existe et on a $\max\{x_1,\ldots,x_{n+1}\}=\max\{\max\{x_1,\ldots,x_n\},x_{n+1}\}$.
ii) Le plus petit élément de l’ensemble $\{x_1,\ldots,x_{n+1}\}$ existe et on a $\min\{x_1,\ldots,x_{n+1}\}=\min\{\min\{x_1,\ldots,x_n\},x_{n+1}\}$.

Démonstration
i) On procède par récurrence sur $n\geq 1$. Si $n=1$, le plus grand élément de l’ensemble $\{x_1,x_2\}$ existe, c’est le maximum de $x_1$ et $x_2$, et comme on a $\max\{x_1\}=x_1$, il vient $\max\{x_1,x_2\}=\max\{\max\{x_1\},x_2\}$, ce qui est l’égalité au rang $n=1$. Supposons que la propriété soit vérifiée pour $n\geq 1$, et que $x_1,\ldots,x_{n+2}$ soient $n+2$ nombres réels : par hypothèse de récurrence, le plus grand élément de $\{x_1,\ldots,x_{n+1}\}$ existe; notons-le $M=\max\{x_1,\ldots,x_{n+1}\}$. Par définition, pour tout $i=1,\ldots,n+1$ on a donc $x_i\leq M$, et donc pour tout $i=1,\ldots, n+2$, on a $x_i\leq N:=\max\{M,x_{n+2}\}$. Mais, par définition d’un plus grand élément, on a $M\in \{x_1,\ldots,x_{n+1}\}$, si bien que $N\in \{x_1,\ldots,x_{n+2}\}$, donc $N$ est le plus grand élément de $\{x_1,\ldots,x_{n+2}\}$.
ii) On raisonne de manière parfaitement analogue au cas (i).

3.1.1.Exercices de la section

Exercice 3.11
i) Montrer que tout nombre réel est un minorant de l’ensemble vide $\emptyset$.
ii) Si $a,b\in\mathbb R$, avec $a<b$, démontrer que $[a,b[$ n’a pas de plus grand élément, que $]a,b]$ n’a pas de plus petit élément, et que $]a,b[$ n’a ni plus grand élément, ni plus petit élément.
iii) Démontrer la clause (ii) du corollaire 3.10.

3.2.Suites monotones de nombres réels

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