Expressions mathématiques et opérations logiques [C1.I.2]
1. Les types d’expressions mathématiques
Nous dirons en général qu’une locution du langage naturel est une expression mathématique si elle dénote un objet mathématique ou un état de choses (un fait) mathématique.
Parmi ces expressions nous distinguerons un petit nombre de types, qui sont les termes, les clauses, les énoncés, les définitions et les notations, que nous allons brièvement décrire.
1.1. Les termes
Les termes sont les expressions, littérales ou symboliques, qui dénotent les objets mathématiques, particuliers ou génériques.
Les termes sont en quelque sorte les « groupes nominaux » du discours mathématique, comparables aux noms propres lorsqu’ils dénotent des objets particuliers, aux noms communs lorsqu’ils dénotent des objets génériques.
Un terme dénote un objet générique quand il contient au moins une variable, c’est-à-dire une lettre ou un signe sans signification ou valeur fixée.
Un terme sans variable dénote un objet précis; un tel terme est dit clos ou fermé. Il est possible de substituer des termes aux variables dans d’autres termes, quand cela est approprié.
Exemple 1
i) Les expressions $0,1,\pi, e$ sont des termes qui dénotent des nombres particuliers ($e$ est la base de la fonction exponentielle).
ii) Les expressions $\cos x,\sin x, Log\ x, \exp x$ sont des termes qui dénotent des fonctions particulières (cosinus, sinus, logarithme et exponentielle). On note aussi $\ln$ le logarithme (dit népérien).
iii) Les expressions $\cos\ x,y+z,5x+12,Log\ u$ sont des termes qui dénotent des nombres génériques (le cosinus de $x$, la somme de $y$ et de $z$, la somme de $5$ fois $x$ et de $12$, le logarithme de $u$). Nous pouvons substituer le terme $\pi$ pour $x$ dans $\cos x$ pour obtenir le nombre réel $\cos \pi$, dont la valeur est $-1$.
iv) La fonction logarithme n’est définie que pour des nombres réels strictement positifs. Si $x\geq 0$, on a $5x+12>0$, donc il est possible de substituer le terme $5x+12$ pour $u$ dans $Log\ u$ pour obtenir le terme générique $Log(5x+12)$.
v) L’expression $x^2+2x+3$ est un terme qu’on appelle polynôme. Ces termes sont très importants en algèbre, où on les représente par les suites finies de leurs coefficients, ici $3,2,1$.

1.2 Les clauses
Les clauses sont les expressions, littérales ou symboliques, qui dénotent des états de choses (des faits) mathématiques, qu’ils soient particuliers ou génériques.
Une variable dans une clause est dite libre quand sa signification n’est pas déterminée à l’intérieur de la clause; autrement, elle est dite liée (ce deuxième cas apparaît avec la quantification, que nous introduirons bientôt).
Quand une clause contient au moins une variable libre, elle dénote une propriété générique des types d’objets dénotés par ses variables libres.
Quand elle ne contient aucune variable libre, nous l’appelons un énoncé et elle dénote une valeur de vérité, c’est-à-dire le « vrai » ou le « faux », selon la véracité de l’état de choses qu’elle exprime à propos des objets dont elle contient les signes.
Si $P$ ou $P(x)$ désigne une clause contenant une variable libre $x$, générique pour un ensemble $E$, et si $a$ est un élément de $E$, la substitution de $a$ pour $x$ dans $P$ est une clause (un énoncé si $x$ est la seule variable libre) que nous écrirons $P(a)$ ou $P(a/x)$.
Exemple 2
i) Si $a$ n’est pas un objet précis dans le contexte, la clause « $a<5$ » possède une variable libre $a$ et exprime que $a$ est (strictement) inférieur à $5$. Si on substitue un nombre approprié à $a$, cette clause se transforme est un énoncé qui est vrai ou faux selon la valeur attribuée à $a$. Par exemple, si on remplace $a$ par $2$ (on dit parfois qu’on « pose » $a=2$), alors la clause devient $2<5$, laquelle est vraie; tandis que si l’on pose $a=2\pi$, elle devient $2\pi<5$, ce qui est faux.
ii) La clause « $\forall x\in\mathbb N,\ 0<x$ » se traduit par « pour tout nombre entier naturel $x$, on a $0<x$ ». Bien qu’elle contienne la variable $x$, cette variable n’est pas libre, car on ne peut lui assigner une valeur : son « sens » est lié à la quantification « pour tout ». Cette clause est donc un énoncé, et dénote le faux, parce que $0$ n’est pas strictement inférieur à lui-même.
iii) L’expression « $m$ est un multiple de $n$ », où $m$ et $n$ sont deux variables qui dénotent des entiers naturels, est une clause mathématique avec deux variables libres, $m$ and $n$. Elle peut se reformuler comme : « il existe un entier naturel $d$ tel que $m=n\times d$ », symboliquement $\exists d\in\mathbb N, m=n\times d$, où $d$ est une variable « auxiliaire », quantifiée existentiellement et donc liée (nous parlerons bientôt en détail de la quantification).
Parmi les clauses, nous distinguerons les clauses élémentaires, qui expriment des relations mathématiques simples entre les objets qu’elles contiennent.
Exemple 3
i) La clause « $a<5$ » est élémentaire, ainsi que les clauses « $0=7$ » et « $(5\times 12)+(-\pi)>Log(e+19)$ ».
ii) La clause « $\forall x\in \mathbb N,\ 0<x$ » n’est pas élémentaire, car elle est construite à partir de la clause élémentaire « $0<x$ » par l’utilisation d’une quantification (universelle).
iii) La clause « $m=n\times d$ » est élémentaire, mais la clause « $\exists d,m=n\times d$ » qui exprime que $m$ est un multiple de $n$, ne l’est pas. Cependant, si nous introduisons la notation (standard) « $n|m$ » (qui se lit « $n$ divise $m$ ») pour la relation « $m$ est un multiple de $n$ », la clause $n|m$ est élémentaire. Le caractère élémentaire d’une clause dépend donc du vocabulaire symbolique que nous utilisons, et donc du contexte.
Lorsqu’on substitue des termes à toutes les variables libres d’une clause, on obtient une nouvelle clause. Si tous les termes substitués sont clos, cette opération transforme la clause d’origine, qui possède une signification « ouverte » en un énoncé, qui est soit vrai soit faux, selon la substitution opérée.
Exemple 4
i) Dans la clause « $x<y$ », si nous remplaçons $x$ par $\pi$ et $y$ par $2$, nous obtenons l’énoncé $\pi<2$, qui est faux. Si nous remplaçons cependant $x$ par $10$ et $y$ par $10^{10}$, nous obtenons un énoncé vrai.
ii) Dans la clause « $\forall x\in\mathbb N,\ y\leq x$ », où $y$ est la seule variable libre, si nous remplaçons $y$ par $0$, nous obtenons un énoncé vrai, tandis que si nous remplaçons $y$ par tout autre entier naturel, nous obtenons un énoncé faux.
iii) Dans la clause « $n|m$ », si nous remplaçons $n$ par $2$ et $m$ par $6$, nous obtenons un énoncé vrai, si nous remplaçons $n$ par $17$ et $m$ par $23$, nous obtenons un énoncé faux. Si nous remplaçons $n$ et $m$ par des entiers naturels tels que $n>m$, nous obtenons toujours un énoncé faux (nous prouverons ceci plus tard).

1.3. Les définitions et les notations
Les définitions sont les expressions mathématiques qui introduisent de nouveaux objets ou de nouvelles notions, à partir d’objets déjà connus ou définis, et de leurs propriétés.
Exemple 5
Voici quelques exemples de définitions. L’étudiant(e) ou la lectrice n’est pas censé(e) tout connaître.
i) Un nombre réel $x$ est dit positif s’il est supérieur à $0$, symboliquement si $x\geq 0$.
ii) Une fonction $f:[a,b]\to \mathbb R$ est dite intégrable (au sens de Riemann) si le supremum et l’infimum de l’ensemble des intégrales de fonctions en escaliers qui respectivement minorent et majorent $f$, coïncident. Leur valeur commune est alors appelée intégrale (de Riemann) de $f$ entre $a$ et $b$.
iii) Si $m$ et $n$ sont des entiers naturels, on dit que $m$ divise $n$ si il existe un entier naturel $d$ tel que $n=m.d$ (la multiplication se note souvent par un point).
Les notations sont les expressions mathématiques qui introduisent un nouveau symbole pour un objet bien défini, particulier ou générique, et souvent en même temps que la définition de cet objet.
Exemple 6
Voici quelques exemples contenant une notation.
i) Soit $E$ un ensemble.
ii) Si $f:[a,b]\to \mathbb R$ est intégrable au sens de Riemann, on note $\int_a^b f(t)\ dt$ l’intégrale de $f$ entre $a$ et $b$.
iii) On note $m|n$ la relation « $m$ divise $n$ ».
Remarque 1
Les notations peuvent être utilisées de deux façons : soit pour désigner de manière durable une notion clairement définie, comme dans les clauses (ii) et (iii) de l’exemple précédent, soit comme une désignation accessoire dans le flux du discours mathématique, comme dans la clause (i), pour une explication ou une démonstration par exemple.

2. Les opérations booléennes sur les clauses
Désolé, vous n'avez pas accès à tout MATHESIS::Essentiel sans abonnement. Pour vous abonner, rendez-vous sur MATHESIS - Adhésion