La notion de limite est la base de l’analyse réelle, c’est-à-dire de la théorie des fonctions à valeurs dans l’ensemble $\mathbb R$ : elle permet entre autres de définir les notions de continuité et de dérivation des fonctions d’une variable réelle, et fonde en général le calcul différentiel. Les limites des fonctions s’étudient d’abord dans le cas de fonctions numériques définies sur un intervalle : la topologie de la droite réelle permet d’en donner des définitions génériques, et l’utilisation des infiniment petits d’en donner des caractérisations numériques. Nous devons a priori distinguer entre limites finies et infinies, et limites en un point ou en l’infini. Les limites se caractérisent également par des critères séquentiels, c’est-à-dire faisant intervenir des suites de nombres réels.
1.Limite d’une fonction en un point
1.1.Point adhérent à un ensemble de nombres réels
Si $f:A\to\mathbb R$ est une fonction numérique définie sur une partie $A$ de $\mathbb R$, on s’intéresse au « comportement » de la fonction $f$ en un point $a$ de $A$ ou « proche de $A$ », c’est-à-dire aux valeurs que prend la fonction $f$ « lorsque son argument s’approche de $a$ ». Par exemple, si $I$ est un intervalle borné, il est de la forme $[a,b]$, $[a,b[$, $]a,b]$ ou $]a,b[$ pour des nombres réels $a\leq b$ : dans les trois derniers cas, même si la fonction n’est pas définie en $a$ ou en $b$, cela a un sens de s’interroger sur la « limite de $f$ » en $a$ ou en $b$. Nous devons d’abord préciser quels sont les points en lesquels on peut poser, en général, la question de la limite d’une fonction :
Définition 1
Si $A$ est une partie de $\mathbb R$, un point $a\in\mathbb R$ est dit adhérent à $A$, si pour tout intervalle ouvert $I$ tel que $a\in I$, on a $I\cap A\neq\emptyset$.
Ainsi, un point adhérent à $A$ est « aussi proche qu’on veut de $A$ », au sens où tout intervalle ouvert qui le contient, contient aussi des points de $A$ : c’est cette notion qui permet de définir proprement la notion de limite.
Exemple 1
i) Par la propriété d’Archimède, le point $0$ est adhérent à l’ensemble $\{1/n : n\in \mathbb N^*\}$.
ii) Par densité de l’ensemble $\mathbb Q$ dans l’ensemble $\mathbb R$, tout nombre irrationnel est adhérent à l’ensemble $\mathbb Q$.
1.2.Limite finie en un point et critère infinitésimal
L’idée sous-jacente à la notion de limite finie en un point est alors la suivante : la fonction $f$ aura, en un tel point $a$, une limite (finie) $b$, si « $f(x)$ est aussi proche que possible de $b$ à condition de choisir $x\in A$ assez proche de $a$ ». La description rigoureuse de la structure de la droite réelle nous permet alors de le formuler rigoureusement de la manière suivante :
Définition 2
Si $f:A\to \mathbb R$ est une fonction numérique et $a$ un point adhérent à $A$, et si $b$ est un nombre réel, on dit que $f$ converge vers $b$ en $a$, ou que $f(x)$ tend vers $b$ lorsque $x$ tend vers $a$, ou encore que la limite de $f$ en $a$ est $b$, ce qu’on note $\lim\limits_{x\to a} f(x)=b$, si la condition suivante est vérifiée :
(*) Pour tout intervalle ouvert $J$ contenant $b$, il existe un intervalle ouvert $I$ contenant $a$, tel que pour tout $x\in A\cap I$, on a $f(x)\in J$.
Exemple 2
i) La fonction partie entière $E:\mathbb R\to \mathbb Z$, qui associe au nombre réel $x$ le plus grand entier $n\leq x$, ne possède de limite en aucun $x\in \mathbb Z$.
ii) La fonction $f:\mathbb R_+\to \mathbb R, x\mapsto \sqrt{x+1}$ a pour limite $1$ en $0$, et $0$ en $-1$.
iii) La fonction $f:x\in [0,1]\mapsto \sqrt{x(1-x)}$ a pour limite $0$ en $0$ et en $1$.
iv) Toute fonction constante $f:\mathbb R\to \mathbb R$ de valeur $c\in \mathbb R$ a pour limite $c$ en tout point $a$ de $\mathbb R$.
v) Pour toute fonction polynomiale $f:x\mapsto a_nx^n+a_{n-1}x^{n-1}+\ldots+a_1x+a_0$, on a $\lim\limits_{x\to a} f(x)=f(a)$ pour tout $a\in \mathbb R$. Une telle fonction est dite continue.
Cette définition traduit précisément l’intuition sous-jacente à la notion de limite (finie), puisque les intervalles ouverts contenant un point définissent une notion de « proximité » autour de ce point. Ceci étant dit, on reformule souvent la définition précédente sous forme « infinitésimale », c’est-à-dire de la manière suivante :
Proposition 1
La fonction $f:A\to \mathbb R$ converge vers $b$ en un point $a$ adhérent à $A$ si et seulement si pour tout nombre réel $\varepsilon>0$ ($\varepsilon$=’epsilon’), il existe un nombre réel $\delta>0$ ($\delta$=’delta’) tel que pour tout $x\in A$ pour lequel $|x-a|\leq \delta$, on a $|f(x)-b|\leq \varepsilon$.
Remarque 1
Les inégalités larges de l’énoncé peuvent être remplacées au besoin par des inégalités strictes.
Ainsi, la notion de proximité induite par les intervalles ouverts contenant un point est ici remplacée par une notion numérique de distance, qui permet de travailler de manière fine et calculatoire en analyse réelle. Cependant, il faut savoir que la notion de limite d’une fonction en un point existe dans des espaces sans distance (!), pour lesquels il faut revenir à une définition plus abstraite.
1.3.Limite infinie en un point
De manière analogue, on définit la notion de limite infinie en un point $a$ adhérent à une partie $A$ de $\mathbb R$. Dans cette situation, puisqu’une fonction numérique $f:A\to\mathbb R$ ne prend que des valeurs finies, le point $a$ ne peut être un élément de $A$. Ici, il y a deux possibilités : une limite valant $+\infty$ ou valant $-\infty$ au point $a$; dans le premier cas, l’idée sous-jacente à une limite valant $+\infty$ est que « $f(x)$ prend des valeurs aussi grandes que possibles à condition que $x$ soit assez proche de $a$ », et de manière analogue pour $-\infty$. Ceci conduit à la définition rigoureuse suivante :
Définition 3
Soit $f:A\to\mathbb R$ une fonction numérique et $a$ un point adhérent à $A$.
i) On dit que $f(x)$ tend vers $+\infty$ lorsque $x$ tend vers $a$, ou que la limite de $f$ en $a$ est $+\infty$, ce qu’on note $\lim\limits_{x\to a}=+\infty$, si pour tout nombre réel $M$, il existe un intervalle ouvert $I$ contenant $a$, et tel que pour tout $x\in A\cap I$, on a $f(x)\geq M$.
ii) On dit que $f(x)$ tend vers $-\infty$ lorsque $x$ tend vers $a$, ou que la limite de $f$ en $a$ est $-\infty$, ce qu’on note $\lim\limits_{x\to a}=-\infty$, si pour tout nombre réel $M$, il existe un intervalle ouvert $I$ contenant $a$, et tel que pour tout $x\in A\cap I$, on a $f(x)\leq M$.
Il est bien sûr possible, ici aussi, de remplacer les inégalité larges par des inégalités strictes, et il faut prendre garde que $+\infty$ et $-\infty$ sont ici des symboles, dénués de sens lorsqu’ils sont séparés des expressions où ils apparaissent : ils ne dénotent pas (à ce stade…) des objets mathématiques .
Exemple 3
i) Le point $0$ est adhérent à la fois aux ensembles $\mathbb R_+^*$ et $\mathbb R_-^*$. La fonction $x\in \mathbb R_+^*\mapsto 1/x$ a pour limite $+\infty$ en $0$, et la fonction $x\in \mathbb R_-^*\mapsto 1/x$ a pour limite $-\infty$ en $0$ : la précision du domaine est essentielle.
ii) Pour tout nombre réel $a$, la fonction $x\in ]a,+\infty)\mapsto \ln (x-a)$ a pour limite $-\infty$ en $a$.
iii) Pour tout nombre réel $a>0$, la fonction $x\in \mathbb R\mapsto a^x$, dite exponentielle de base $a$, est définie par $a^x:=\exp(a\ln x)$. Pour tout $b\in\mathbb R$, la fonction $f:x\in ]b,+\infty)\mapsto a^{1/(x-b)}$ a pour limite $+\infty$ en $b$.
Comme pour les limites finies, on dispose également d’un critère infinitésimal analogue au précédent :
Proposition 2
La fonction $f:A\to \mathbb R$ tend vers $+\infty$ (resp. $-\infty$) en un point $a$ adhérent à $A$ si et seulement si pour tout nombre réel $M$, il existe un nombre réel $\delta>0$ tel que pour tout $x\in A$ pour lequel $|x-a|\leq \delta$, on a $f(x)\geq M$ (resp. $f(x)\leq M$).
2.Limite d’une fonction en l’infini
2.1.Limite finie en l’infini
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